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des hommes qui approchoient de plus près de la personne du roi, et tout cet intérêt que l’on prenoit à moi se réduisit à me laisser une pension de mille écus sur le Mercure ; l’abbé Barthélemy en refusa le brevet, et il fut accordé à un nommé Lagarde[1], bibliothécaire de Mme de Pompadour, et digne protégé de Colin[2], son homme d’affaires.

Dix ans après, le duc de Choiseul, en dînant avec moi, me rappela nos conversations, auxquelles il auroit bien voulu, disoit-il, que nous eussions eu des témoins. Je n’ai pu en donner, de souvenir, qu’une esquisse légère, et telle que ma mémoire, dès longtemps refroidie, a pu me la retracer ; mais il faut que la situation m’eût bien vivement inspiré, car il ajouta que de sa vie il n’avoit entendu un homme aussi éloquent que je le fus dans ces momens-là ; et, à ce propos : « Savez-vous, me dit-il, ce qui empêcha Mme de Pompadour de vous faire rendre le Mercure ? ce fut ce fripon de Colin, pour

  1. Philippe Bridard de La Garde fort décrié en effet pour ses mœurs, et longtemps le chaperon, — pour ne pas dire pis, — de Mlle Le Maure ; auteur d’un roman agréable et trop peu connu, les Lettres de Thérèse (1737, 6 parties in-12).
  2. Colin, homme d’affaires de Mme de Pompadour, mort en 1775, à peu près ruiné. Sa bibliothèque, dont on a le catalogue, dénotait un curieux et un homme de goût. Il est souvent question de Colin dans la correspondance de Falconet avec Diderot et avec Catherine II.