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laissé à sa toilette. « Eh bien ! dit-il, Madame, vous l’avez entendu ? Que pensez-vous de ce qu’il éprouve ? — Que cela est horrible, répondit-elle, et qu’il faut, Monsieur, que le Mercure lui soit rendu. — C’est mon avis, dit le duc de Choiseul. — Mais, reprit-elle, il seroit peu convenable que le roi parût d’un jour à l’autre passer du noir au blanc. C’est à M. le duc d’Aumont à faire lui-même une démarche… — Ah ! Madame, vous prononcez mon arrêt, m’écriai-je : cette démarche que vous voulez qu’il fasse, il ne la fera point. — Il la fera, insista-t-elle. M. de Saint-Florentin est chez le roi ; il va venir me voir, et je vais lui parler. Allez l’attendre à son hôtel. »

Le vieux ministre, ne fut pas plus content que moi du biais que prenoit la foiblesse de Mme de Pompadour, et il ne me dissimula point qu’il en tiroit un mauvais augure. En effet, l’opiniâtre orgueil du duc d’Aumont fut intraitable : ni le comte d’Angiviller, son ami, ni Bouvard, son médecin, ni le duc de Duras, son camarade, ne purent lui inspirer un sentiment tant soit peu noble. Comme en lui-même il n’avoit rien qui pût le faire respecter, il prétendit au moins se faire craindre ; et il ne revint à la cour que bien déterminé à ne pas se laisser fléchir, déclarant qu’il regarderoit comme ses ennemis ceux qui lui parleroient d’une démarche en ma faveur. Personne n’osa tenir tête à l’un