Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T2.djvu/151

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Voilà, Monsieur le duc, quatre assertions que je vais écrire et signer sur votre bureau, si vous voulez bien me le permettre ; et soyez bien sûr qu’âme qui vive ne vous prouvera le contraire, ni n’osera me le soutenir en face et devant vous. »

Vous pensez bien qu’en m’écoutant, la vivacité du duc de Choiseul s’étoit un peu modérée. « Marmontel, me dit-il, je vois qu’on m’en a imposé. Vous me parlez d’un ton à ne me laisser aucun doute sur votre bonne foi, et il n’y a que la vérité qui ose tenir ce langage ; mais il faut me mettre moi-même en état d’affirmer que la parodie n’est point de vous. Dites-moi quel en est l’auteur, et le Mercure vous est rendu. — Le Mercure, Monsieur le duc, ne me sera point rendu à ce prix. — Pourquoi donc ? — Parce que je préfère votre estime à quinze mille livres de rente. — Ma foi, dit-il, puisque l’auteur n’a pas l’honnêteté de se faire connoître, je ne sais pas pourquoi vous le ménageriez. — Pourquoi, Monsieur le duc ? parce qu’après avoir abusé imprudemment de sa confiance, le comble de la honte seroit de la trahir. J’ai été indiscret, mais je ne serai point perfide. Il ne m’a pas fait confidence de ses vers pour les publier. C’est un larcin que lui a fait ma mémoire ; et, si ce larcin est punissable, c’est à moi d’en être puni : me préserve le Ciel qu’il se nomme