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vers ? « Je ne les ai pas faits, lui dis-je. — Pourquoi donc les avez-vous dits ? — Parce que vous l’avez voulu. — Eh ! savois-je, moi, que ce fût une satire aussi piquante ? Vous qui la connoissiez, falloit-il vous vanter de la savoir ? Quelle imprudence ! Et puis vos bons amis de Presle et Vaudesir vont publiant qu’on vous envoie à la Bastille sur votre parole avec toutes sortes d’égards et de ménagemens ! — Eh quoi ! Madame, falloit-il laisser croire qu’on m’y traînoit en criminel ? — Il falloit se taire et ne pas narguer ces gens-là. Le maréchal de Richelieu a bien su dire qu’on l’avoit deux fois mené à la Bastille comme un coupable, et qu’il étoit bien singulier qu’on vous eût traité mieux que lui. — Voilà, Madame, un digne objet d’envie pour le maréchal de Richelieu. — Eh ! oui, Monsieur, ils sont blessés que l’on ménage celui qui les offense, et ils emploient tout leur crédit à se venger de lui ; cela est naturel. Ne voulez-vous pas qu’ils se laissent manger la laine sur le dos ! — Quels moutons ! » m’écriai-je d’un air un peu moqueur ; mais bientôt, m’apercevant que mes répliques l’animoient, je pris le parti du silence. Enfin, lorsqu’elle m’eut bien tout dit ce qu’elle avoit sur le cœur, je me levai d’un air modeste, et lui souhaitai le bonsoir.

Le lendemain matin, je m’éveillois à peine,