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Mlle S** fut plus piquée qu’affligée de ma réponse, et peu de temps après elle s’en consola en épousant M. S**.

Enfin, le onzième jour de ma détention, à la nuit tombante, le gouverneur vint m’annoncer que la liberté m’étoit rendue, et le même exempt qui m’avoit amené me ramena chez M. de Sartine. Ce magistrat me témoigna quelque joie de me revoir, mais une joie mêlée de tristesse. « Monsieur, lui dis-je, dans vos bontés, dont je suis bien reconnoissant, je ne sais quoi m’afflige encore en me félicitant, vous avez l’air de me plaindre. Auriez-vous quelque autre malheur à m’annoncer (je pensois à Durand) ? — Hélas ! oui, me dit-il ; et ne vous en doutez-vous pas ? le roi vous ôte le Mercure. » Ces mots me soulagèrent ; et d’un signe de tête exprimant ma résignation je répondis « Tant pis pour le Mercure. — Le mal, ajouta-t-il, n’est peut-être pas sans remède. M. de Saint-Florentin est à Paris, il s’intéresse à vous, allez le voir demain matin. »

En quittant M. de Sartine, je courus chez Mme Harenc, impatient de voir Durand. Je l’y trouvai ; et, au milieu des acclamations de joie de toute la société, je ne vis que lui. « Ah ! vous voilà, lui dis-je en lui sautant au cou, que je suis soulagé ! » Ce transport, à la vue d’un homme pour qui je n’avois jamais eu de senti-