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Le premier commis de la guerre, Dubois[1], étoit celui qui avoit pour moi l’amitié la plus franche ; nous étions familiers ensemble au point de nous tutoyer. Il n’étoit point de service qu’il ne m’eût rendu dans sa place, si je lui en avois offert l’occasion ; mais, pour moi personnellement, je ne songeois qu’à me réjouir ; et, si je retirai quelque avantage de la société des premiers commis, ce fut sans y avoir pensé, et de leur propre mouvement. Vous allez en voir un exemple.

De ces laborieux sybarites, le plus vif, le plus séduisant, le plus voluptueux, avec la santé la plus frêle, étoit ce Cromot[2], qu’on a vu depuis si brillant sous tant de ministres. La facilité, l’agrément, la prestesse de son travail, et surtout sa dextérité, les captivoient en dépit d’eux-mêmes.

  1. Un Noël satirique, attribué au chevalier de l’Isle, et imprimé dans les Mémoires secrets à la date du 31 décembre 1763, renferme sur Dubois, le couplet suivant :

    « De ma visitUn homme d’importance,
    « De ma visitC’étoit monsieur Dubois,
    « De ma visitTout bouffi d’arrogance
    « De ma visitDit en haussant la voix :
    « De ma visite ici, Seigneur, tenez-moi compte,
    « De maCar à ma porte plus d’un grand
    « De maVient se morfondre en attendant,
    « De ma visitSans en rougir de honte ! »

  2. Jules-David Cromot du Bourg, conseiller d’État et surintendant de la maison de Monsieur, comte de Provence, père de Cromot de Fougy, qui lui succéda dans ses charges.