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qui, sous une épaisse enveloppe, ne laissoit pas de réunir une littérature exquise, beaucoup de politesse et d’amabilité. Hélas ! son fils unique étoit ce malheureux Saint-James, qui, après avoir dissipé follement une grande fortune qu’il lui avoit laissée, est allé mourir insolvable à cette Bastille où l’on m’envoyoit.

Après dîner, je confiai mon aventure à Vaudesir, qui me fit de tendres adieux. De là je me rendis chez M. de Sartine, que je ne trouvai point chez lui ; il dînoit ce jour-là en ville, et ne devoit rentrer qu’à six heures. Il en étoit cinq ; j’employai l’intervalle à aller prévenir et rassurer sur mon infortune ma bonne amie Mme Harenc. À six heures, je retournai chez le lieutenant de police. Il n’étoit pas instruit de mon affaire, ou il feignit de ne pas l’être. Je la lui racontai ; il en parut fâché. « Lorsque nous dînâmes ensemble, me dit-il, chez M. le baron d’Holbach, qui auroit prévu que la première fois que je vous reverrois ce seroit pour vous envoyer à la Bastille ? Mais je n’en ai pas reçu l’ordre. Voyons si en mon absence il est arrivé dans mes bureaux. » Il fit appeler ses commis ; et ceux-ci n’ayant entendu parler de rien « Allez-vous-en coucher chez vous, me

    visite que fit Marmontel au château de Baudard de Vaudesir.