Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T2.djvu/129

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vous ? (Je gardai le silence.) Vous êtes le premier, ajouta-t-il, qu’on dise l’avoir récitée, et récitée de manière à déceler en vous l’auteur. — Quand j’ai dit ce que j’en savois, lui répondis-je, on en parloit déjà, on en citoit les premiers vers. Pour la manière dont je l’ai récitée, elle prouveroit aussi bien que j’ai fait le Misanthrope, le Tartuffe, et Cinna lui-même car je me vante, Monsieur le duc, de lire tout cela comme si j’en étois l’auteur. — Mais enfin, cette parodie, de qui la tenez-vous ? C’est là ce qu’il faut dire. — Pardonnez-moi, Monsieur le duc, c’est là ce qu’il ne faut pas dire, et ce que je ne dirai pas. — Je gage que c’est de l’auteur… — Eh bien ! Monsieur le duc, si c’étoit de l’auteur, devrois-je le nommer ? — Et comment, sans cela, voulez-vous que l’on croie qu’elle n’est pas de vous ? Toutes les apparences vous accusent. Vous aviez du ressentiment contre le duc d’Aumont ; la cause en est connue ; vous avez voulu vous venger. Vous avez fait cette satire, et, la trouvant plaisante, vous l’avez récitée ; voilà ce qu’on dit, voilà ce que l’on croit, voilà ce que l’on a droit de croire. Que répondez-vous à cela ? — Je réponds que cette conduite seroit celle d’un fou, d’un sot, d’un méchant imbécile, et que l’auteur de la parodie n’est rien de tout cela. Eh quoi ! Monsieur le duc, celui qui l’auroit faite auroit eu la simplicité, l’imprudence, l’étourderie de