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aucune finesse, et pas un trait de ressemblance avec l’endroit de la parodie où d’Argental opinoit ainsi :


Oui, je serois d’avis… cependant il me semble
Que l’on peut… car enfin vous devez… mais je tremble.
Ce n’est pas qu’après tout, comme vous sentez bien,
Je ne fusse tenté de ne ménager rien ;
Mon froid enthousiasme est fait pour les extrêmes.
Mais les comédiens, les poètes eux-mêmes…
Je ne sais que vous dire, et crois, en attendant,
Que le plus sûr parti seroit le plus prudent.
C’est la seule raison qui fait que je balance,
Seigneur, et vous savez combien mon excellence
Délibère et consulte avant de décider.
Sans doute mieux que moi Le Kain peut vous guider ;
À sa subtilité je sais que rien n’échappe :
Il a pu vous convaincre, et moi-même il me frappe.
Toutefois je prétends qu’il est de certains cas
Où souvent… on croit voir ce que l’on ne voit pas.
Tel est mon sentiment, Seigneur, je le hasarde.
Jugez-nous ; c’est vous seul que l’affaire regarde.


C’étoit là le style et le ton de la plaisanterie de Cury. Tous ceux qui l’ont connu le savent comme moi ; et lorsque le duc d’Aumont disoit à ses confidens :


Et, par vos seuls avis, je serai cet hiver
Ou directeur de troupe, ou simple duc et pair ;


lorsqu’il répondoit à d’Argental, en admirant son éloquence :


Vous ne savez que dire ! ah ! c’est en dire assez :
Vous en dites toujours plus que vous ne pensez ;