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gentilshommes, le plus vain, le plus colérique, étoit le duc d’Aumont. Il s’étoit obstiné à la ruine de Cury ; il en étoit la principale cause, et il en tiroit vanité. Cela seul m’eût fait prendre ce petit duc en aversion ; mais j’avois personnellement à m’en plaindre, et voici pourquoi.

Mme de Pompadour ayant désiré que le Venceslas de Rotrou fût purgé des grossièretés de mœurs et de langage qui déparoient cette tragédie, j’avois bien voulu, pour lui complaire, me charger de ce travail ingrat ; et, les comédiens ayant eux-mêmes, à la lecture, approuvé mes corrections, la tragédie avoit été apprise et répétée avec ces changemens pour être jouée à Versailles ; mais Le Kain, qui me détestoit (j’en ai dit ailleurs la raison)[1], ayant fait semblant d’adopter les corrections de son rôle, m’avoit joué le tour perfide de rétablir, à mon insu, l’ancien rôle tel qu’il étoit, ce qui avoit étourdi tous les autres acteurs, et fait manquer à tous momens les répliques du dialogue et tous les effets de la scène. Je m’en étois plaint hautement comme d’une noirceur et d’une insolence inouïe ; et, dans les débats qu’elle avoit excités parmi les comédiens, me trouvant compromis, j’allois, dans le Mercure, instruire le public

  1. Voyez ce que l’auteur dit du jeu de Le Kain, sans le nommer, dans ses Élémens de littérature, article Déclamation.