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ras[1] et la jolie comtesse d’Egmont[2]. Leur Pâris étoit le prince Louis de Rohan[3] ; mais je soupçonne que dans ce temps-là il donnoit la pomme à Minerve : car, à mon gré, la Vénus du souper étoit la séduisante et piquante comtesse d’Egmont. Fille du maréchal de Richelieu, elle avoit la vivacité, l’esprit, les grâces de son père ; elle en avoit aussi, disoit-on, l’humeur volage et libertine ; mais c’étoit là ce que ni Mme Geoffrin ni moi ne faisions semblant de savoir. La jeune marquise de Duras, avec autant de modestie que Mme d’Egmont avoit de gentillesse, donnoit assez l’idée de Junon par sa noble sévérité, et par un caractère de beauté qui n’avoit rien d’élégant ni de svelte. Pour la comtesse de Brionne, si elle n’étoit pas Vénus même, ce n’étoit pas que, dans la régularité parfaite de sa taille et de tous ses traits, elle ne réunît tout ce qu’on peut imaginer pour définir ou peindre la beauté idéale. De tous les charmes, un seul lui manquoit, sans lequel il n’y a point de Vénus au monde, et qui étoit le prestige de Mme d’Egmont : c’étoit l’air de la volupté. Pour

  1. Louise-Henriette-Philippine de Noailles, épouse de Emmanuel-Céleste-Augustin, marquis, puis duc de Duras, alors brigadier d’infanterie.
  2. Jeanne-Sophie-Élisabeth-Louise-Armande Septimanie (1740-1773), épouse de Casimir Pignatelli, comte d’Egmont.
  3. Le futur cardinal qui devait jouer dans l’affaire du Collier le rôle que l’on sait, et qu’on désignait alors d’ordinaire sous le simple titre du prince Louis.