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mon portrait ce fut le prix de la complaisance avec laquelle je l’écoutois réglant les destins de l’Europe. Avec les autres je m’instruisois de ce qui concernoit leur art ; et, par là, ces dîners d’artistes avoient pour moi leur intérêt d’agrément et d’utilité.

Parmi les amateurs qui étoient de ces dîners, il y en avoit d’imbus d’assez bonnes études. Avec ceux-ci je n’étois pas en peine de varier la conversation, ni de la ranimer lorsqu’elle languissoit ; et ils me sembloient assez contens de ma façon de causer avec eux. Un seul ne me marquoit aucune bienveillance, et dans sa froide politesse je voyois de l’éloignement : c’étoit le comte de Caylus.

Je ne saurois dire lequel de nous deux avoit prévenu l’autre ; mais à peine avois-je connu le caractère du personnage que j’avois eu pour lui

    exposition rétrospective, avait dû, comme tant d’autres, rester de longues années entre les mains du peintre, puisqu’il s’ẹn dessaisit seulement à la fin de 1783. Par une lettre datée du 19 décembre de cette année, Marmontel le remercie d’un présent « qui lui sera précieux toute sa vie », et il ajoute : « Je souhaite bien vivement que l’état de vos yeux vous permette bientôt de finir cette belle esquisse ; mais, telle quelle, je la préfère au tableau le plus achevé qui ne seroit pas de votre main. » (Catalogue de la collection d’autographes Lucas de Montigny, no 1969 ; Aug. Laverdet, expert.) Quand Marmontel reçut son portrait, l’esprit du peintre était irrémédiablement ébranlé ; il quitta peu après Paris, et se survécut quatre ans encore à Saint-Quentin.