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vous, lui dit-il, mon père, ce que va devenir cet enfant-là ? On l’appelle à Riom. Les oratoriens, ces hommes dangereux, veulent s’en faire un prosélyte. Il va se perdre, et c’est à nous de le sauver. » Mon professeur prit feu dans cette affaire encore plus vivement que le Père préfet. Ils dirent l’un et l’autre des merveilles de moi à tous les régens du collège ; dès lors ma fortune fut faite ; j’eus une école, et, dans un mois, douze écoliers, à quatre francs par tête, me firent un état au-dessus de tous les besoins. Je fus bien logé, bien nourri, et à Pâques j’eus les moyens de me vêtir décemment en abbé, ce dont j’avois le plus d’envie, soit pour mieux assurer mon père de la sincérité de ma vocation, soit pour avoir dans le collège une sérieuse existence.

Quand je quittai mon cabinet, ma voisine, à qui j’allai dire ce qu’on faisoit pour moi, n’en fut pas aussi aise que je l’aurois voulu. « Ah ! je serois bien plus contente, me dit-elle, de vous voir aller à Riom. C’est là qu’on fait de bonnes et de saintes études. » Je la priai de me garder ses bontés en cas de besoin, et, même dans mon opulence, j’allai la revoir quelquefois.

Mon habit ecclésiastique, les bienséances qu’il m’imposoit, et de plus cet ancien désir de considération personnelle que l’exemple d’Amalvy m’avoit laissé dans l’âme, eurent pour moi d’heu-