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reconnoissant. — Vous ne me demandez pas la mienne ; vous croyez n’en avoir pas besoin. — Hélas ! mon père, je serois bien heureux de l’obtenir, mais je n’ose pas l’espérer. — Entrez, me dit-il, dans ma chambre, je veux vous faire voir que vous ne m’avez pas connu. » J’entrai ; il se mit à sa table ; et, après avoir écrit une attestation plus exagérée en louanges que celle même de mon régent : « Lisez, dit-il en me la présentant avant d’y mettre le cachet ; si vous n’en êtes pas content, je vous en donnerai une plus ample. » En la lisant, je me sentis accablé de confusion. Je fus devant le P. By comme Cinna devant Auguste. Tous les noms odieux que je lui avois donnés se présentèrent à ma pensée comme autant d’injures dont je l’avois noirci ; et plus il étoit magnanime, plus j’étois confondu et humilié devant lui ; enfin, mes yeux remplis de larmes osant se lever sur les siens, et voyant qu’il étoit touché de mon repentir : « Vous me pardonnez donc, mon père ? » lui dis-je avec transport, et je me jetai dans ses bras. Je sais bien que les scènes qui nous sont personnelles ont pour nous un intérêt propre qui ne se fait sentir qu’à nous ; mais je me trompe, ou celle-ci auroit été touchante même pour des indifférens.

Muni de ces attestations, je n’aurois eu qu’à les présenter au préfet du collège de Clermont, c’en étoit assez pour être envoyé en philosophie