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MÉMOIRES DE MARMONTEL

« Sauvez mon fils, rendez-le-moi, dit-elle à ma jeune maîtresse en l’amenant près de mon lit. Cet enfant vous croit offensée, apprenez-lui que vous ne l’êtes plus, qu’on vous a demandé pardon, et que vous avez pardonné. — Oui, Monsieur, je n’ai plus que des grâces à rendre à votre digne mère, me dit cette fille charmante, et il n’est point de déplaisir que ne me fissent oublier les bontés dont elle m’accable. — Ah ! c’est à moi, Mademoiselle, d’être reconnoissant des soins de son amour, c’est à moi qu’elle rend la vie. » Ma mère fit asseoir au chevet de mon lit celle dont la vue et la voix répandoient dans mon âme un calmant si pur et si doux. Elle eut aussi la complaisance de paroître donner dans nos illusions, et, en nous recommandant à tous les deux la sagesse et la piété : « Qui sait, dit-elle, ce que le Ciel vous destine ? il est juste ; vous êtes bien nés l’un et l’autre, et l’amour même peut vous rendre plus dignes encore d’être heureux. — Voilà, me dit Mlle B***, des paroles bien consolantes et bien propres à vous calmer. Pour moi, vous le voyez, je n’ai plus aucune colère, aucun ressentiment dans l’âme. Celle de vos tantes dont la vivacité m’avoit blessée m’en a témoigné ses regrets ; je viens de l’embrasser, mais elle pleure encore ; et vous, qui êtes si bon, ne l’embrasserez-vous pas ? — Oui, de tout mon cœur », répondis-je ; et, dans l’instant, la bonne