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boursouflée et bien maussade ? — Point du tout, fort belle, et si belle que le roi y a répondu par une autre épître. — Le roi de Prusse une épître à d’Arnaud ! Allons, Thiriot, allons, on s’est moqué de vous. — Je ne sais pas si on s’est moqué de moi, mais j’ai en poche les deux épîtres. — Voyons, donnez donc vite, que je lise ces deux chefs-d’œuvre. Quelle fadeur ! quelle platitude ! quelle bassesse ! » disoit-il en lisant l’épître de d’Arnaud ; et, passant à celle du roi, il fut un moment en silence et d’un air de pitié ; mais, quand il en fut à ces vers :


Voltaire est à son couchant ;
Vous êtes à votre aurore,


il fit un haut-le-corps et sauta de son lit, bondissant de fureur : « Voltaire est à son couchant et

    le 23 juin 1750 que Thiriot lui communiqua les vers de Frédéric et la réponse de d’Arnaud. Marmontel, en racontant à près de cinquante ans de distance la scène dont il prétend avoir été le témoin, cite incorrectement les deux vers du roi. L’autographe, qui a passé, en 1868, dans la vente du docteur Michelin (de Provins) porte :

    Ainsi le couchant d’un beau jour
    Promet une plus belle aurore.

    De plus, ce n’est pas Frédéric qui répondit à d’Arnaud, mais d’Arnaud qui, dans son remerciement, esquivait avec assez d’adresse la comparaison :

    Grand roi, Voltaire à son couchant
    Vaut mieux qu’un autre à son aurore.