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cette lésine dans un roi. Il a des tonneaux d’or, et il ne veut pas donner mille pauvres louis pour le plaisir de voir Mme Denis à Berlin ! Il les donnera, ou moi-même je n’irai point. » Un incident comique vint terminer cette dispute. Un matin que j’allois le voir, je trouvai son ami Thiriot dans le jardin du Palais-Royal ; et, comme il étoit à l’affût des nouvelles littéraires, je lui demandai s’il y en avoit quelqu’une. « Oui, vraiment, il y en a, et des plus curieuses, me dit-il. Vous allez chez M. de Voltaire là vous les entendrez, car je m’en vais m’y rendre dès que j’aurai pris mon café. »

Voltaire travailloit dans son lit lorsque j’arrivai. À son tour, il me demanda : « Quelles nouvelles ? — Je n’en sais point, lui dis-je ; mais Thiriot, que j’ai rencontré au Palais-Royal, en a, dit-il, d’intéressantes à vous apprendre. Il va venir. »

« Eh bien ! Thiriot, lui dit-il, vous avez donc à nous conter des nouvelles bien curieuses ? — Oh ! très curieuses, et qui vous feront grand plaisir, répondit Thiriot avec son sourire sardonique et son nasillement de capucin. — Voyons, qu’avez-vous à nous dire ? — J’ai à vous dire qu’Arnaud-Baculard est arrivé à Potsdam, et que le roi de Prusse l’y a reçu à bras ouverts. — A bras ouverts ! — Qu’Arnaud lui a présenté une épître[1]. — Bien

  1. Collé (Journal, éd. Bonhomme, I, 184) dit que ce fut