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de Crébillon fut décidé. Tous les Menus-Plaisirs se répandirent en éloges de son génie et de ses mœurs. « Il avoit, disoit-on, de la fierté, mais point d’orgueil, et encore moins de vaine gloire. Son infortune étoit la preuve de son désintéressement. C’étoit un caractère antique et vraiment l’homme dont le génie honoroit le règne du roi. » On parloit de Catilina comme de la merveille du siècle. Mme de Pompadour voulut l’entendre. Le jour fut pris pour cette lecture ; le roi, invisible et présent, l’entendit. Elle eut un plein succès ; et, lorsque Catilina fut mis au théâtre, Mme de Pompadour, accompagnée d’une volée de courtisans, vint assister à ce spectacle avec le plus vif intérêt. Peu de temps après, Crébillon obtint la faveur d’une édition de ses œuvres à l’imprimerie du Louvre, aux dépens du trésor royal. Dès ce temps-là, Voltaire fut froidement reçu, et cessa d’aller à la cour.

On sait quelle avoit été sa relation avec le prince royal de Prusse. Ce prince, devenu roi, lui marquoit les mêmes bontés ; et la manière infiniment flatteuse dont Voltaire y répondoit n’avoit peut-être pas laissé de contribuer en secret à lui aliéner l’esprit de Louis XV. Le roi de Prusse donc, en relation avec Voltaire, n’avoit cessé, depuis son avènement à la couronne, de l’inviter à l’aller voir ; et la faveur dont Crébillon jouissoit à la cour, l’ayant piqué au vif, avoit décidé son