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Pompadour, fut annoncée pour maîtresse du roi, et avant même qu’elle fût déclarée, il s’empressa de lui faire sa cour. Il réussit aisément à lui plaire ; et, en même temps qu’il célébroit les victoires du roi, il flattoit sa maîtresse en faisant pour elle de jolis vers. Il ne doutoit pas que par elle il n’obtînt la faveur d’être admis aux soupers des petits cabinets, et je suis persuadé qu’elle l’auroit voulu.

Transplantée à la cour, et assez mal instruite du caractère et des goûts du roi, elle avoit d’abord espéré de l’amuser par ses talens. Sur un théâtre particulier, elle jouoit devant lui de petits actes d’opéra, dont quelques-uns étoient faits pour elle, et dans lesquels son jeu, sa voix, son chant, étoient justement applaudis. Voltaire, en faveur auprès d’elle, s’avisa de vouloir diriger ce spectacle. L’alarme en fut au camp des gentilshommes de la chambre et des intendans des Menus-Plaisirs. C’étoit empiéter sur leurs droits, et ce fut entre eux une ligue pour éloigner de là un homme qui les auroit tous dominés, s’il avoit plu au roi autant qu’à sa maîtresse ; mais on savoit que le roi ne l’aimoit pas, et que son empressement à se produire ajoutoit encore à ses préventions contre lui. Peu touché des louanges qu’il lui avoit données dans son Panégyrique, il ne voyoit en lui qu’un philosophe impie et qu’un flatteur ambitieux. À grand’peine avoit-il enfin consenti à ce qu’il fût reçu à