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Elle perdit milord d’Albemarle il lui avoit assuré, je crois, deux mille écus de rente ; c’étoit là toute sa fortune. La douleur qu’elle ressentit de cette mort fut profonde, mais courageuse ; et, en m’affligeant avec elle, je ne laissai pas de l’aider à soutenir décemment son malheur. Tous les amis de milord étoient les siens ; ils lui restèrent tous fidèles. Le duc de Biron, le marquis de Castries et quelques autres du même étage, composoient sa société. Heureuse si, d’une situation si douce et dont elle étoit satisfaite, elle n’eût pas été jetée, par une espèce de fatalité, dans un état qui n’étoit pas le sien !

Sa santé s’étoit affoiblie ; on en prit de l’inquiétude, et on lui conseilla les eaux de Barèges. En passant et en repassant par Montauban, elle fut honorablement traitée par le commandant, le comte d’Hérouville ; et, en arrivant à Paris, elle reçut de lui une lettre à peu près conçue en ces mots « Je suis empoisonné. Tout mon domestique l’est comme moi. Venez, Mademoiselle, venez à mon secours, et amenez-moi un médecin. Je n’ai confiance qu’en vous[1]. » Elle partit en chaise

  1. Selon les Mémoires de Dufort de Cheverny (I, 204), cet accident aurait eu lieu en 1757, à Bordeaux, et Mlle Lolotte serait venue elle-même à Bagnères, et non à Barèges, se guérir des suites d’un empoisonnement qui coûta la vie à neuf personnes. Antoine de Ricouard, comte d’Hérouville,