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son luxe, dans sa mollesse, dans tous les soins minutieux de sa parure et de sa personne, le même caractère que je lui avois connu. C’est, de tous les hommes que j’ai vus dans le monde, celui sur le compte duquel je me suis le plus lourdement trompé. Je me souviens pourtant de quelques-uns de ses propos qui auroient dû me donner à penser sur la trempe de son esprit et de son âme.

« Que dit-on de moi dans le monde ? me demanda-t-il un jour. — On dit, Monsieur l’ambassadeur, que Votre Excellence ne soutient pas l’idée de magnificence qu’on en avoit conçue à son arrivée à Paris. La première ambassade de l’Europe, une grande fortune, un palais pour hôtel, la pompe la plus fastueuse dans l’entrée que vous avez faite, annonçoient, pour votre maison et pour votre façon de vivre, plus de luxe et plus de splendeur. Une table somptueuse, des festins et des fêtes, le bal surtout, le bal dans vos superbes salons, c’étoit là ce qu’on attendoit, et l’on ne voit rien de tout cela. Vous vivez avec des femmes de finance, comme un simple particulier, et vous négligez le grand monde et de la ville et de la cour. — Mon cher Marmontel, me dit-il, je ne suis ici que pour deux choses pour les affaires de ma souveraine, et je les fais bien ; pour mes plaisirs, et sur cet article je n’ai à consulter que moi. La représentation m’ennuieroit et me gêneroit, voilà pourquoi je