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Mme de Pompadour, par la beauté des mœurs dont j’avois décoré les derniers actes de ma pièce ; mais au théâtre leur foiblesse fut manifeste, et d’autant plus sentie que j’avois mis plus de véhémence et de chaleur dans les premiers. Des combats de générosité et de vertu n’avoient rien de tragique. Le public s’ennuya de n’être point ému, et ma pièce tomba[1]. Pour cette fois, je reconnus que le public avoit raison.

Je rentrai chez moi, déterminé à ne plus travailler pour le théâtre ; et, par un exprès, j’écrivis sur-le-champ à Mme de Pompadour, qui étoit à Bellevue, pour lui apprendre mon malheur, et lui renouveler avec instance la prière que je lui avois faite d’obtenir que je fusse employé plus utilement que je ne l’étois dans un art pour lequel je n’étois pas né.

Elle étoit à table avec le roi lorsqu’elle reçut ma lettre, et, le roi lui ayant permis de la lire : « La pièce nouvelle est tombée, lui dit-elle ; et savez-vous, Sire, qui me l’apprend ? L’auteur lui-même. Le malheureux jeune homme ! je voudrois bien avoir dans ce moment un emploi à lui offrir pour le consoler. » Son frère, le marquis de Marigny, qui étoit de ce souper, lui dit qu’il avoit une place

  1. Jouée le 5 février 1753, la tragédie d’Égyptus n’eut qu’une seule représentation et ne fut pas imprimée.