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fait renvoyer me savoit gré d’avoir plus d’une fois été l’écho de la voix publique dans des vers où je célébrois ce qui étoit digne de louange dans le règne de son amant. Un petit poème que j’avois composé sur l’Établissement de l’École militaire[1], monument élevé à la gloire du roi par les Pâris, amis de cœur de Mme de Pompadour, ce petit poème, dis-je, l’avoit intéressée, et m’avoit mis en faveur auprès d’elle. L’abbé de Bernis et Duclos alloient la voir ensemble tous les dimanches ; et, comme ils avoient l’un et l’autre quelque amitié pour moi, j’allois en troisième avec eux. Cette femme, à qui les plus grands du royaume et les princes du sang eux-mêmes faisoient la cour à sa toilette, simple bourgeoise, qui avoit eu la foiblesse de vouloir plaire au roi et le malheur d’y réussir, étoit dans son élévation la meilleure femme du monde. Elle nous recevoit tous les trois familièrement, quoique avec des nuances de distinction très sensibles. À l’un elle disoit, d’un air léger et d’un parler bref : « Bonjour, Duclos » ; à l’autre, d’un air et d’un ton plus amical : « Bonjour, abbé », en lui donnant quelquefois un petit soufflet sur la joue ; et à moi, plus sérieusement et plus bas : « Bonjour, Marmontel. ». L’ambition de Duclos étoit de se rendre important dans sa province de

  1. 1751, in-12.