Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T1.djvu/173

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

LIVRE III



Les jeunes gens qui, nés avec quelque talent et de l’amour pour les beaux-arts, ont vu de près les hommes célèbres dans l’art dont ils faisoient eux-mêmes leurs études et leurs délices, ont connu comme moi le trouble, le saisissement, l’espèce d’effroi religieux que j’éprouvai en allant voir Voltaire.

Persuadé que ce seroit à moi de parler le premier, j’avois tourné de vingt manières la phrase par laquelle je débuterois avec lui, et je n’étois content d’aucune. Il me tira de cette peine. En m’entendant nommer, il vint à moi, et, me tendant les bras « Mon ami, me dit-il, je suis bien aise de vous voir. J’ai cependant une mauvaise nouvelle à vous apprendre : M. Orry[1] s’étoit

  1. Selon le duc de Luynes et le Journal de Barbier, la retraite ou la disgrâce de Philibert Orry fut officiellement