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Ma sœur (c’étoit le nom que Marcelline s’étoit donné, et que je lui donnois moi-même lorsque nous étions tête à tête) ne me vit pas au moment de partir sans un saisissement de cœur qu’elle ne put dissimuler. « Adieu, Monsieur l’abbé, me dit-elle devant son oncle ; prenez soin de votre santé ; ne nous oubliez pas, et embrassez bien tendrement pour moi madame votre mère ; dites-lui que je l’aime bien. »

À ces mots, ses yeux se mouillèrent, et, comme elle se retiroit pour nous cacher ses pleurs : « Vous voyez, me dit le curé, ce nom de mère l’attendrit ; c’est qu’il n’y a pas longtemps qu’elle a perdu la sienne. Adieu, Monsieur, je vous dis comme elle, ne nous oubliez pas ; nous parlerons souvent de vous. »

Je trouvai ma mère pleinement rassurée sur ma conduite ; mais, en me voyant, elle fut alarmée sur ma santé. Je calmai ses inquiétudes, et, en effet, je me sentois bien mieux, grâce au régime auquel le curé m’avoit mis. Nous lui écrivîmes l’un et l’autre pour le remercier de ses bontés hospitalières, et, en lui renvoyant sa jument, sur laquelle j’étois venu, nous accompagnâmes nos lettres de quelques modestes présens, parmi lesquels ma mère glissa pour Marcelline une parure simple et de peu valeur, mais élégante et de bon goût. Après quoi, ma santé se rétablissant à vue d’œil, nous ne fûmes