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initiation à l’état ecclésiastique, nous allâmes, conduits par nos trois directeurs, rendre nos devoirs à l’évêque. Il nous reçut tous avec une égale bonté ; mais, au moment que je me retirois avec mes camarades, il me fit rappeler. Le cœur me tressaillit.

« Mon enfant, me dit-il, vous ne m’êtes pas inconnu ; votre mère vous a recommandé à moi. C’est une digne femme que votre mère, et j’en fais grand cas. Où vous proposez-vous d’aller achever vos études ? » Je répondis que je n’avois encore aucun dessein pris là-dessus ; que je venois d’avoir le malheur de perdre mon père ; que ma famille, nombreuse et pauvre, attendoit tout de moi, et que j’allois tâcher de voir quelle université pourroit me procurer, durant le cours de mes études, le moyen d’exister et d’aller au secours de ma mère et de nos enfans. « Et de vos enfans ? reprit-il, attendri de cette expression. — Oui, Monseigneur, je suis pour eux un second père ; et, si je ne meurs à la peine, je me suis bien promis d’en remplir les devoirs. — Écoutez, me dit-il, j’ai pour ami l’archevêque de Bourges[1], l’un de nos plus dignes prélats ; je puis vous adresser à lui ; et, s’il veut bien, comme je l’espère, avoir égard à ma recommanda-

  1. Frédéric-Jérôme, cardinal de La Rochefoucauld de Roye, archevêque de Bourges de 1729 au 29 avril 1758, coadjuteur de l’abbaye de Cluny (1738), chargé de la feuille des bénéfices (1755) et grand aumônier (1756).