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désir qu’il avoit que je voulusse donner ce temps de mon repos à un petit chevalier de Malte, l’un de ses fils, aimable enfant, mais dont l’instruction avoit été jusque-là négligée. Je fis consentir mon curé, et puis je consentis moi-même à ce qui m’étoit proposé. Je n’ai qu’à me louer des marques de bienveillance et d’estime dont je fus honoré dans cette maison distinguée, où toute la noblesse du pays abondoit. La marquise elle-même, Mortemart de naissance, élevée à Paris, un peu haute de caractère, étoit bonne et simple avec moi, parce que j’étois auprès d’elle naturel avec bienséance et respectueux sans façon, caractère qui m’a toujours mis à mon aise dans le monde, et dont jamais personne n’a été mécontent.

Quand vint le temps d’aller recevoir la tonsure, je me rendis au séminaire, et je m’y trouvai en retraite, sous les yeux de trois sulpiciens, avec une douzaine d’aspirans comme moi. Le recueillement, le silence, qui régnoient parmi nous, et les exercices de piété dont on nous occupoit, me parurent d’abord peu favorables à mes vues ; mais, lorsque je désespérois de pouvoir me faire connoître, l’occasion s’en offrit d’elle-même. Nous avions, deux fois le jour, une heure de récréation dans un petit jardin planté de tilleuls en allées ; mes camarades s’y amusoient à jouer au petit palet, et moi, à qui le jeu ne plaisoit pas, je me promenois seul.