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quelque temps, puis un jour nous irons nous jeter aux pieds de tes parents, qui, touchés de notre héroïque constance et de tout ce que nous avons souffert, s’écrieront : « Enfants, venez dans nos bras. »

Longtemps Marie hésita à se rendre à cette prière ; plusieurs projets de fuite furent successivement discutés et rejetés. Enfin Vladimir lui proposa un nouveau plan qu’elle adopta. Il fut convenu qu’à certain jour elle ne paraîtrait pas au souper et se retirerait dans sa chambre sous prétexte qu’elle souffrait d'un violent mal de tête. Sa femme de chambre était dans sa confidence. Toutes deux devaient sortir du jardin par une porte de derrière ; à cette porte elles trouveraient des traîneaux qui les conduiraient à cinq verstes de distance (environ une lieue et demie), à l’église de Jadrino, où Vladimir les attendrait.

La veille du jour fixé pour ce décisif événement, Marie, ne pouvant dormir, prépara les vêtements, le linge qu’elle voulait emporter ; puis écrivit une longue lettre à une jeune fille de ses amies et une autre à ses parents. Dans cette lettre, elle employait pour leur faire ses adieux les termes les plus touchants ; elle leur disait qu'elle n’avait pu résister à la force invincible de son amour, mais qu'elle considérerait comme le plus heureux moment de sa vie celui où elle pourrait venir tomber à leurs pieds. Elle cacheta ces deux lettres avec un cachet de Tula, représentant deux cœurs enflammés au milieu d'une devise sentimentale, et il