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français, et par suite de ces lectures s’était déjà mis un amour en tête. L’objet de son affection était un pauvre enseigne en congé alors dans son village. Il va sans dire que le jeune homme brûlait pour elle d’une flamme ardente, et que les parents de Gabrielle, ayant vu naître cette inclination réciproque, avaient formellement défendu à leur fille de penser à ce téméraire prétendant, et le recevaient plus mal qu’un assesseur révoqué de ses fonctions.

Nos amoureux cependant correspondaient ensemble et se voyaient en secret à l'ombre des bois de sapin ou de la vieille chapelle. Là, ils se juraient l'un à l’autre un amour éternel, accusaient le sort d’une injuste rigueur et formaient divers projets. En s’occupant constamment de la même pensée dans leurs lettres, comme dans leurs entretiens, ils en vinrent naturellement à cette conclusion, que puisqu’ils ne pouvaient vivre l'un sans l’autre, si la volonté d’une famille cruelle s'opposait à leur bonheur, ils devaient accomplir leur destin en dépit de cette impitoyable volonté. Ce fut le jeune homme qui le premier fit ce beau raisonnement, et Marie-Gabrielle l’accueillit avec son imagination romanesque.

L’hiver mit fin à leurs entrevues, mais leur correspondance n’en devint que plus animée. Dans chacune de ses lettres, Vladimir Nicolewitch conjurait sa bien-aimée de s’abandonner à lui, de se marier avec lui secrètement, « Nous disparaîtrons, disait-il, pendant