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mains et la mienne fort peu en danger. Je pourrais attribuer mon inaction en cette affaire à ma générosité ; mais je ne veux pas mentir. Si je pouvais me venger de cet homme sans exposer mon existence, je ne lui pardonnerais pas…

Je regardai Silio avec surprise. Un tel aveu me confondait.

— Je n’ai pas le droit, continua-t-il, de m’exposer à la mort. Il y a cinq ans que j’ai reçu un soufflet, et celui qui me l’a donné vit encore…

Ma curiosité était vivement excitée :

— Vous vous êtes pourtant battu, lui dis-je, ou vous avez été séparés l’un de l’autre violemment ?

— Je me suis battu, répondit Silio, et voici le souvenir de notre duel.

À ces mots, il tira d’un carton un bonnet de police orné d’un galon en or et percé d’une balle un peu au-dessus du front.

— Vous voyez, reprit-il, que j’ai servi dans le 2e régiment de hussards. Vous connaissez mon caractère. Je suis habitué à dominer les autres, et dès ma jeunesse telle fut ma passion. De notre temps, c’était la mode de faire toutes sortes d’extravagances, et j’étais renommé pour les miennes. Nous nous glorifiions entre autres choses de boire outre mesure et de voir tomber devant nous tel ou tel de nos amis ivres morts. Nous avions sans cesse des duels, et, si je ne me battais pas moi-même, j’assistais à coup sûr à ces duels comme