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retarder mon départ. et d’abord je me rendis à leurs représentations ; mais je me sentis saisi d’une inquiétude extraordinaire ; il me semblait qu’une force irrésistible me poussait en avant. La tempête continuait à mugir, et, malgré la tempête, je voulus partir. Mon postillon eut l’idée d’abréger le chemin en traversant une rivière dont il connaissait très bien les bords. Il manqua le gué par où il voulait passer, et me conduisit en un endroit qui lui était totalement étranger. L’orage était aussi violent qu’au moment de mon départ. Une lumière brillait devant moi dans les ténèbres. Je me dirigeai de ce côté, et j’arrivai près d’une église d'où provenait la lumière que j’avais aperçue. L’église était ouverte. Des traîneaux stationnaient à la porte, et plusieurs personnes se tenaient sous le vestibule ; une d’elles me cria : « Par ici ! par ici ! » Je m’approchai. Une autre me dit : « Au nom du ciel ! où vous êtes-vous donc arrêté ? La fiancée est évanouie. Je ne sais que faire, et nous allions nous en retourner. Venez donc bien vite ! »

Je descendis de mon traîneau et j’entrai dans l’église, faiblement éclairée par deux ou trois cierges. Une jeune fille était assise dans l’ombre, sur un banc ; une autre debout lui frottait les tempes.

— Enfin, dit celle-ci : Dieu soit loué ! vous voilà. Ma maîtresse a failli mourir.

Un vieux prêtre s’approcha de moi et me dit :

— Voulez-vous que nous commencions ?