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jeune homme, les livres qu’il avait lus, ses dessins, ses notes, et les vers qu’il avait faits pour elle. Ceux qui connaissaient ces détails admiraient une telle constance et se demandaient qui viendrait enfin arracher à son deuil cette nouvelle Arthémise !

En ce temps-là finissait une guerre glorieuse. Les régiments revenaient des frontières, et le peuple courait à leur rencontre. Leur musique jouait les airs appris en pays étranger : la chanson de Vive Henri IV, les valses tyroliennes et l’opéra de Joconde. Les officiers qu’on avait vus partir presque enfants reparaissaient avec une figure martiale, la poitrine chamarrée de croix. Les soldats racontaient leurs campagnes, mêlant à leurs récits des mots français et allemands. Temps ineffaçable, temps de gloire et d’enthousiasme. Comme le cœur des Russes palpitait alors au nom de la patrie ! Avec quel accord ils réunissaient autour de leur empereur leurs sentiments d’orgueil et d’amour ! et pour lui dans la vie quel moment ! Les femmes, russes étaient alors incomparables : leur froideur naturelle avait disparu ; c’était avec un enthousiasme enivrant qu’elles criaient hurrah à la vue des bataillons qui rentraient en Russie et lançaient en l’air leur coiffure. Quel officier en ce temps ne se dit que les sympathies de la femme russe étaient pour lui la plus douce, la plus précieuse des récompenses ?

Marie Gabrielle et sa mère vivaient alors dans le gouvernement de . . . . et elles n’assistèrent point