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nistre le surlendemain avant minuit, confus de n’apporter que des notes si insignifiantes. Les portes de l’hôtel sont aussitôt ouvertes. M. de Louvois prend avec empressement le cahier de papier et lit, et lorsqu’il arrive à la mention de l’homme en veste jaune, la joie éclate sur son visage. Il se rend chez le roi, le fait réveiller, cause un quart d’heure au chevet de son lit, puis, en toute hâte, expédie quatre courriers qui depuis quelques heures étaient prêts à partir.

Les trois coups frappés sur le parapet à une heure convenue étaient le signal du succès de la négociation engagée entre M. de Louvois et les magistrats de Strasbourg [1].

Trois semaines après, le 23 octobre 1681, Louis XIV entrait triomphalement dans la vieille cité impériale, réunie désormais à la France. L’ancienne bannière de Strasbourg semblait annoncer cette union. Elle représente la Vierge avec l’enfant Jésus, tenant à la main une fleur de lis.

Comment, après deux siècles, cette heureuse alliance a-t-elle été rompue ? Hélas ! nul de nous ne peut l’oublier.

Un Alsacien, que la guerre a exilé de son foyer, a fait un tableau idyllique de la blanche maison qu’il occupait avec sa femme et ses enfants, en été, à la campagne, près de Strasbourg, et au mois d’août 1870 il écrit :

« Deux mois se sont passés. La soirée du 24 août est sombre, le temps humide et le ciel couvert de nuages. La maison blanche est toujours là, encadrée de verdure, mais comme la scène a changé !

« Dans la cour est établie une cantine où sont attablés des soldats allemands coiffés du casque à pointe de cuivre. Des factionnaires veillent aux portes armés du lourd fusil à aiguille. Sur la terrasse sont réunis plusieurs officiers prussiens. Ils boivent de la bière et fument des cigares. Leurs regards sont tournés vers la cathédrale de Strasbourg, dont la flèche dentelée se détache en noir sur le ciel gris. On dirait qu’ils sont dans l’attente d’un spectacle. Ils regardent l’heure à leur montre et s’impatientent.

  1. Coste, Réunion de Strasbourg à la France, p. 18.