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Alors le roc se déchire, lui ouvre un passage dans ses cavités, puis se referme sur elle. De ce même roc, quand elle le quitte, jaillit une source limpide qui guérit les maux d’yeux.

Sainte Odile est la patronne de l’Alsace. Chaque année, une quantité de catholiques vont en pèlerinage sur la montagne où, en 690, elle fonda un couvent ; où, en 720, elle exhala, les mains jointes, son dernier souffle en une dernière prière[1].

Je me rappelle le jour où, pieusement aussi, je voulus aller voir ce lieu vénéré. En été, par un beau temps, quel charmant voyage. De Strasbourg à l’Odilienberg quelle variété d’aspects ! D’abord une grande plaine qui, par ses morcellements de terrain, ressemble à un échiquier où brillent toutes sortes de couleurs, les épis de blé près des tiges de tabac, la garance et le colza, le chanvre gris et les verts légumes.

À l’extrémité de cette plaine s’étend le magnifique rideau des Vosges. Au premier plan, des pentes ondulantes couvertes de vignes ; au second, d’épaisses forêts ; au troisième, les cimes de cette chaîne de montagnes qu’on appelle des ballons en raison de leur forme arrondie. Ne sont-ce pas en effet des ballons d’où l’on plane comme l’aigle, dans la région des nuages, sur le vaste espace ?

Là, le vallon d’Andlau, avec ses frais abris, ses cascades, son ancienne cité féodale, et les deux tours de son château, debout comme deux témoins d’un cycle historique, comme deux colonnes milliaires sur la route du temps. Ici la ville de Barr avec ses riches vignobles, ses riantes maisons, ses filatures et ses scieries.

Au-delà d’Andlau, les ruines du château de Spesbourg, jadis résidence de la noble famille des Diko qui s’éteignit au quatorzième siècle.

Au-delà de Barr, les larges pans de mur du château de Landsperg, qui fut construit au douzième siècle et longtemps habité par une des plus illustres familles de l’Alsace.

  1. Beschreibung von Hohenburg. — Un très intéressant livre publié en 1781 par M. A. Silbermann, continué et réimprimé avec de curieuses gravures, par M. A. Strobel. Strasbourg, 1835.