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EN ALSACE
par

XAVIER MARMIER
de l’Académie française.



Souvent, par les yeux de la mémoire, je la revois cette chère Alsace, telle que je l’ai vue quand elle était un des remparts, une des guirlandes, un des trésors de la France, quand personne ne pouvait imaginer qu’elle nous serait enlevée. Dès le jour où j’appris à la connaître, je l’aimai. En la quittant, je désirais y revenir, et que de fois j’ai repris le chemin de cette attrayante région ! Que de rêves juvéniles j’ai promenés sur les rives du Rhin, et de l’Ill, la jolie rivière qui a donné son nom à l’Alsace [1]. Que d’heureuses excursions j’ai faites dans la vallée qui s’étend de Strasbourg à Bâle. Y en a-t-il une autre plus belle, plus fructueuse, plus intéressante ?

D’un côté, les cimes ondulantes des Vosges ; de l’autre, les teintes bleuâtres de la forêt Noire. Entre ces deux chaînes de montagnes, un jardin de fleurs et de fruits ; les plantes employées par l’industrie du tisserand et du teinturier ; les plantes alimentaires ; les plantes qui égayent le riche et le pauvre, les ceps de vignes, les hautes tiges de houblon, les feuilles de tabac et les plantes bénites que l’on recueille pour les malades. Pas une parcelle de ce sol d’Alsace n’est perdue, dit

  1. Au septième siècle, Alsatia ; au huitième, Elsasse. El, l’ancien nom de l’Ill, et Sazze, ancien mot allemand qui signifie habitant (Bacquol, l’Alsace, [1]).