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château, surprennent la garde sans défense, tuent le coupable gouverneur, chassent la garnison. Cette étonnante victoire arrache les hommes à leur torpeur. Ils prennent les armes, s’avancent contre les Impériaux et les mettent en déroute. Henri, effrayé, s’enfuit jusqu’à Colmar, abandonnant sa couronne et son sceptre. Depuis cette époque, les femmes de Roufach ont la préséance dans toutes les cérémonies publiques. À l’église, leurs bancs sont à la droite du maître-autel.

En ce même temps, sur l'Allitona, les religieuses du cloître fondé par sainte Odile joignaient à leurs exercices de piété l’étude des lettres et des arts. L’abbesse Relindis, une parente de l’empereur Frédéric Ier, faisait des vers latins et enseignait cette langue à la communauté.

Une de ses élèves qui lui succéda dans ses fonctions de supérieure, Herrade de Landsperg, composa le célèbre livre intitulé Hortus deliciarum et en peignit les ornements.

Dans un rapport adressé au ministre de l’instruction publique en 1838, M. Jubinal disait en parlant de cette œuvre d’art et de piété : « Les nombreuses miniatures de ce monument qui représentent toute la vie extérieure de leur époque sont de la plus haute importance pour l’histoire de la symbolique chrétienne, de la panoplie, de l’architecture. Rapprochées de la tapisserie de Bayeux, elles éclaireraient plusieurs points encore obscurs de l’archéologie du moyen âge. »

Ce trésor du moyen âge était à la bibliothèque de Strasbourg. Il a péri en 1870 dans l’effroyable bombardement.

Et Sabine, la noble fille d’Erwin de Steinbach ! elle a bien mérité par ses œuvres d’art que son nom fût inscrit à côté de celui de l’immortel architecte dans la cathédrale de Strasbourg. La légende le dit, et quel est l’homme assez malheureux pour ne pas croire à la vérité des légendes ?

Une tradition populaire rapporte que chaque année, à minuit, à la fête de saint Jean, tous ceux qui ont travaillé à la construction de cette merveilleuse cathédrale sortent de leur tombe et se réunissent autour de leur monument.

À leur tête apparaît le vaillant Erwin et son fils qui fut son fidèle auxiliaire, et Jean Halz qui construisit la flèche du dôme,