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les triomphes d’Alexandre ; plus loin que le latin par les campagnes de Pompée et de César ; plus loin que l’arabe et le turc par les conquêtes du Coran ; la langue universelle. L’Académie de Berlin a elle-même proclamé cette universalité par les prix qu’elle décerna, en 1784, à Rivarol et à Schwab [1].

Après l’alliance conclue par le traité de Westphalie, peu à peu, sans pression aucune, sans aucun acte d’autorité arbitraire, par un naturel effet d’attraction, la langue française pénétra au sein de la population alsacienne, à la ville et au village, dans la vie publique et dans la vie privée. Si elle ne remplaça point partout l’ancien dialecte du paysan, elle eut partout ses adhérents. Partout elle fut enseignée, écoutée, comprise, et, de cette langue aimée, les Alsaciens ont fait un bon usage. Ils ont dans leurs journaux, leurs revues, leurs discours, souvent proclamé, en un très correct français, leur affection pour la France. Ils ont acquis par leurs livres une très belle place dans la littérature française.

M. de Golbéry a publié en français ses Antiquités du Haut-Rhin ; M. Frédéric Piton, sa magnifique description de Strasbourg ; M. Bacquol, un Dictionnaire topographique de l’Alsace ancienne et moderne [2] ; M. Willm, son Histoire de la philosophie allemande ; M. H. Schnitzler, plusieurs ouvrages sur la Russie.

M. le vicomte de Bussières, le loyal, le laborieux, le savant écrivain, a, dans l’espace de quelques années, publié en français son Histoire de la guerre des paysans, son Histoire des anabaptistes et sa Vie de saint Vincent de Paul ; M. Coulmann, ses Réminiscences ; M. Ernest Lehr, l’Alsace noble et le

    français. Les deux envoyés danois convinrent entre eux d’écrire dans cette langue leurs communes dépêches. Pendant presque tout le cours des négociations, les écrits étaient en français, parce que les étrangers aimaient mieux s’y exprimer que dans toute autre langue dont l’usage n’était pas si universel. »

  1. Voir le savant livre de M. de Lescure, Rivarol et la Société française, Paris, 1884, et la dissertation de M. Schwab avec l’introduction de M. Robelot. Paris, 1803.
  2. Complété et réédité par M. Ristelhuber en 1865.