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Pendant plus d’un mois, la fière cité combattit avec une prodigieuse résolution. Le 28 septembre, elle ne pouvait plus résister. Quarante-quatre pièces d’artillerie badoise et quatre-vingt-dix-sept prussiennes, canons rayés et mortiers, nuit et jour l’avaient mitraillée [1]. C’est ainsi que notre noble chère ville de Strasbourg fut annexée à l’Allemagne.

L’Alsace avait cruellement souffert de la guerre de Trente ans, cette terrible guerre enfantée par la Réformation [2].

Par un décret de Louis XIV, des concessions de terrain avec des exemptions d’impôts pendant six ans furent accordées à tous les étrangers qui voulaient s’établir dans cette province. D’autres sages ordonnances, une régulière et paternelle administration améliorèrent graduellement sa situation, et, lorsqu’en 1675 les Impériaux essayèrent de l’envahir, Turenne les battait à Turckheim et Condé à Haguenau [2].

En 1748 et 1848, l’Alsace célébrait par des fêtes solennelles l’anniversaire séculaire de sa réunion à la France.

De cette réunion datait pour elle une vie toute nouvelle et bientôt une prospérité toujours croissante.

On voit par le dernier recensement qu’en moins d’un siècle sa population était doublée. En 1784, elle avait 624 400 habitants ; en 1866, elle en comptait 1 119 255 [3], environ 129 par kilomètre carré. Sur le même espace de terrain, on n’en compte, en France, que 70, et en Allemagne, 69.

Au développement de son agriculture et de son industrie, elle joignait les éléments d’un autre progrès.

Longtemps dans cette province inféodée à l’Allemagne, on

  1. Gustave Fischbach, le Siège de Strasbourg, p. 165.
  2. a et b Ce que les historiens rapportent des résultats de cette guerre dans les divers États de l’Allemagne semble incroyable. Dans le duché de Wurtemberg, dit le colonel Mitchell, le nombre des habitants fut réduit d’un demi-million à 4 800 ; en Bohème, de 3 millions à 800 000 ; de 80 000 à 15 000 dans l’opulente cité d’Augsbourg. Dans la Hesse, 17 villes, 47 châteaux, 300 villages furent livrés aux flammes. Enfin, on calcule que cette guerre fit périr, en Allemagne, les deux tiers de la population et anéanti 30 000 villages. Life of Wallenstein, p. 407.
  3. 830 000 catholiques, 250 000 protestants, 36 000 juifs.