Page:Marmette - Heroisme et Trahison - 1880.djvu/200

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

êtes un malheureux, lui repartis-je. Retirez-vous, je vous le commande. Je lui parle d’un ton si ferme et si assuré qu’il m’obéit. Sur-lechamp je jetai ma coiffe j’arborai un chapeau, et prenant un fusil, je dis à mes deux jeunes frères : Battons-noua jusqu’à la mort, nous combattons pour notre patrie et la Religion. Souvenez vous des leçons que mon père vous a si souvent données, que des gentilshommes ne sont nés que pour verser leur sang pour le service de Dieu et du Roi. — Mes frères et les soldats animés par mes paroles, firent un feu continuel sur l’ennemi. Je fis tirer le canon non-seulement pour effrayer les Iroquois en leur faisant, voir que nous étions en état de nous bien défendre avant du canon, mais encore pour avertir nos soldats qui étoient à lâchasse de se sauver dans quelque autre fort.

Mais que n’a-t-on pas à souffrir dans ces extrémités Malgré le bruit de notre artillerie, j’entendois les cris lamentables des femmes et des enfans qui venoient de perdre leurs maris, leurs frères et leurs pères. Je crus qu’il étoit de la prudence, pendant que l’on faisoit feu sur l’ennemi de représenter à ces femmes désolées et à ces enfans le danger d’être entendus de l’ennemi : malgré le bruit des fusils et du canon, je leur ordonnai de se taire, afin de ne pas donner lieu de croire que nous étions sans ressources et sans espérances.

Pendant que je leur parlai de la sorte, j’aperçus un canot sur la Rivière vis-à-vis du fort : c’étoit le sieur Pierre Fontaine avec sa famille, qui venoit débarquer dans L’endroit où je venois d’être manqué par Les Iroquois qui y paraissoient encore à droite et à gauche. Cette famille alloit être défaite si on ne lui eût donné un prompt secours. Je demandai aux deux soldats s’ils vouloient aller au-devant de cette famille pour