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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

m’a semblé voir un nuage de sang qui passait entre eux ! Mon Dieu ! mon Dieu !

Et ses sanglots de redoubler.

Le premier mouvement de l’officier anglais, lorsqu’il entendit le cri poussé par la jeune fille, fut de porter la main au bandeau qui l’empêchait de voir ; mais d’Orsy, prompt comme l’éclair, arrêta son bras à moitié chemin, et lui dit d’une voix qu’il s’efforça de rendre calme.

— Monsieur Harthing, n’oubliez pas les conditions auxquelles vous vous êtes soumis.

L’Anglais laissa retomber son bras.

Oh ! s’il eût pu s’imaginer qu’il venait de passer à trois pas de cette demeure qu’il brûlait de connaître !

Ce n’était pourtant que dans le but d’apercevoir l’habitation de Mlle d’Orsy qu’il avait sollicité, puis obtenu d’être envoyé comme parlementaire. Et dire qu’il lui fallait parcourir la ville sans rien y voir !

Au cri jeté par son amante, Bienville avait fait un pas rétrograde ; mais d’Orsy rappela son ami près de lui d’un regard si impératif, que le pauvre amoureux ne put s’empêcher d’obéir, tout en se demandant s’il ne rêvait pas, et quelle pouvait être la cause de ce drame muet dont il venait d’être le témoin.

Harthing et son escorte continuait cependant leur marche.

Quand ils arrivèrent sur « la grande place, » aujourd’hui le marché, trois compagnies y paradaient, tambours et fifres en tête.

— Ces démons-là sortent donc de terre ! se dit Harthing ; on nous assurait pourtant que la ville était complètement dépourvue de garnison.