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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

colin-maillard, à cause du bandeau qui l’empêchait de voir.

Cependant Marie-Louise d’Orsy s’était mise à sa fenêtre dès le commencement du vacarme qui régnait dans la ville. Voyant approcher plusieurs militaires qui entouraient un officier anglais dont les yeux étaient bandés, la curieuse jeune fille mit la tête hors de la croisée pour pénétrer ce mystère.

Harthing n’était en ce moment qu’à quelques pas de la maison, et toujours escorté par MM. de Bienville et d’Orsy.

L’attention de Marie-Louise se trouvait tellement concentrée sur l’homme au bandeau qu’elle ne remarqua pas d’abord son fiancé qui lui envoyait le plus gracieux des saluts. Son regard s’attachait à la figure de l’étranger à mesure qu’il approchait. Lorsqu’il passa devant sa fenêtre, les yeux de la jeune fille devinrent d’une fixité étrange ; puis elle pâlit, et se rejeta brusquement en arrière en poussant un cri qu’on entendit de la rue.

— Qu’avez-vous donc, mademoiselle ? lui dit aussitôt la vieille Marthe, sa servante, qui se trouvait auprès d’elle.

— Mon Dieu ! c’est lui ! je l’ai reconnu ! répondit Marie-Louise dont la pâleur devint encore plus prononcée.

— Qui donc, mademoiselle ?

— Harthing ! Marthe, Harthing !

— L’Anglais !…

— Oui. Ô mon Dieu ! s’écria-t-elle en fondant en larmes, faites, je vous prie, que ce pressentiment soit menteur ! Mais quand j’ai vu cet homme près de mon fiancé, mon cœur s’est serré, Marthe, et il