Page:Marmette - François de Bienville, scènes de la vie canadienne au 17è siècle, 1870.djvu/97

Cette page a été validée par deux contributeurs.
100
FRANÇOIS DE BIENVILLE.

D’après l’ordre du gouverneur, on lui fit faire les plus longs détours, le ramenant souvent au même point de départ, et toujours avec un grand bruit d’armes.[1]

Harthing atteignit ainsi le pied de la côte de la Montagne ; mais ici ce fut bien pis encore. J’ai déjà dit que la montée du port à la haute ville était barricadée par trois retranchements formés de chaînes et de tonneaux remplis de terre et de pierre. Aussi l’Anglais trébuchait-il à chaque instant. Ici un tonneau lui barrait le passage, là il serait infailliblement tombé sur un amas de pierres, sans la précaution que ses guides avaient de le soutenir ; plus loin une chaîne tendue bien raide heurtait ses tibias.

— Diables de Français ! grommelait-il.

Il parvint enfin à la haute ville. Mais bien loin de le conduire directement au château, ses guides s’engagèrent avec lui dans la rue Buade, en se dirigeant vers la grande place. En ce moment une compagnie d’infanterie les dépassa au pas de course ; les trente hommes qui la composaient frappaient si bien du talon, que notre Anglais crut qu’il y en avait au moins deux cents.

Il n’y eut pas jusqu’aux femmes qui ne s’avisèrent de mystifier le pauvre envoyé. La sœur Juchereau de St. Ignace rapporte, dans l’Histoire de l’Hôtel-Dieu, que les dames de Québec assaillirent de quolibets le parlementaire ahuri, et qu’elles l’appelèrent

  1. « Les troupes faisaient pendant ce temps un grand bruit avec les armes et les canons, pour augmenter encore la confusion du parlementaire, car les Anglais croyaient la ville désarmée et hors d’état de se défendre. » M. Garneau, 3e éd : tome I, p. 319. Voir aussi « l’Histoire de l’Hôtel-Dieu » par la sœur Françoise Juchereau de St. Ignace.