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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

— Vous ne m’apprenez rien, monsieur, répondit d’Orsy, et je sais très-bien quels égards vous sont dus.

— C’est bon ! je vous suis, reprit flegmatiquement l’envoyé.

Bienville fit alors approcher son embarcation bord à bord avec la chaloupe anglaise, et Harthing prit place sur le canot canadien en ordonnant à ses gens d’attendre son retour.

Pendant les quelques instants qu’ils se trouvèrent côte à côte, les Canadiens et les Anglais se toisèrent d’un air fort peu bienveillant ; mais grâce à la présence de leurs officiers respectifs, pas un mot ne fut échangé, pas un geste ne trahit ce bouillonnement intérieur de vieilles haines nationales qui n’auraient pas mieux demandé que de se manifester activement.

— Nage à terre ! commanda Bienville à ses gens dont les rames mordirent la vague.

— J’en suis bien fâché, monsieur, dit d’Orsy au lieutenant anglais, mais ma consigne est de vous bander les yeux.

— Faites.

Au bout de dix minutes les quatre canots accostaient la levée aujourd’hui nommée quai de la Reine.

M. de Frontenac n’avait cependant pas perdu son temps dans l’inaction. Chez cet homme énergique les idées décisives ne se faisaient point attendre ; à peine convoquées, elles arrivaient vigoureuses, sages et hardies, et l’action suivait chez lui la pensée de si près qu’elles ne faisaient, pour ainsi parler, qu’un tout.

Bienville et d’Orsy avaient à peine mis pied dans le canot qui les devait conduire audevant du parlementaire, que déjà le gouverneur avait donné les ordres suivants aux officiers qui l’entouraient.