Page:Marmette - François de Bienville, scènes de la vie canadienne au 17è siècle, 1870.djvu/88

Cette page a été validée par deux contributeurs.
91
FRANÇOIS DE BIENVILLE.

monta prévenir sa femme qu’il lui fallait sortir un instant et qu’elle eût à verrouiller la porte en son absence.

Tandis que dame Javotte, qui était un tantinet jalouse, maugréait contre une sortie à une heure aussi indue, l’aubergiste venait rejoindre le Chat-Rusée. Ce dernier l’attendait patiemment, et tous deux se dirigèrent vers la demeure de Louis d’Orsy qui était à cent quarante pas de l’auberge et sur la même rue. Quand ils arrivèrent en face de la maison du jeune officier, Boisdon la désigna du doigt à Dent-de-Loup.

Celui-ci parut réfléchir durant quelques instants après avoir examiné la maison ; puis se penchant vers l’aubergiste :

— Que mon frère me suive un peu, lui dit-il.

Comme Boisdon hésitait à aller plus loin, le sauvage lui glissa une paillette d’or dans la main, argument qui persuada l’avare. Il suivit Dent-de-Loup qui traversa la rue, descendit un peu vers le palais épiscopal et vint s’arrêter à la jonction du mur de clôture de l’évêché avec celui du séminaire. À cette heure de la nuit, un homme se pouvait cacher là, près de la muraille, sans que les passants le pussent voir de la rue.

— Mon frère au visage pâle voudrait-il venir se poster ici chaque soir, pendant une semaine, et à cette heure ; je lui donnerais de l’or.

— C’est bon, fit l’aubergiste ; mais pourquoi cela ?

— Le chef iroquois pénétrera plusieurs fois encore dans ce grand village ennemi, pour obéir aux ordres d’un homme pâle étranger qui aime la vierge blanche. Mais pour ne pas être surpris, il faut que quelqu’un m’avertisse de l’approche de mes ennemis, et veille à ce qu’on ne me remarque pas. Chaque soir le Chat-