Page:Marmette - François de Bienville, scènes de la vie canadienne au 17è siècle, 1870.djvu/87

Cette page a été validée par deux contributeurs.
90
FRANÇOIS DE BIENVILLE.

Les yeux de l’avare se firent si grands, qu’il fallait tout le flegme d’un Iroquois pour ne pas éclater de rire.

Dent-de-Loup continua néanmoins avec impassibilité.

— Si mon frère aime tant ce métal que nous méprisons là-bas, il lui sera facile d’en remplir vingt fois ce tonneau d’eau de feu.

Et l’Agnier montra du doigt un baril qu’il y avait au fond de la salle.

Un sourire ineffable vient se suspendre aux lèvres de l’avare qui ferma les yeux, pour mieux se figurer les innombrables reflets que produirait un pareil amas de ce métal qu’il adorait.

— Mais, continua l’Agnier, pour que Dent-de-Loup consente à conduire son frère au vallon inconnu, ce dernier devra d’abord l’aider à trouver dans ce grand village une vierge pâle aux yeux bleus, dont tu peux voir ici le nom.

Et il tendit à Boisdon un papier sur lequel Harthing avait écrit le nom de celle qu’il convoitait.

— « Mademoiselle d’Orsy », lut l’aubergiste.

— C’est ainsi que s’appelle la vierge blanche, répliqua Dent-de-Loup.

— Elle demeure à quelques pas d’ici.

— Mon frère veut-il venir avec le chef pour être son guide, reprit l’Iroquois en faisant passer une des pépites d’or dans la main de l’hôtelier.

— J’y vais, répondit Boisdon en se levant aussitôt.

Une seconde pépite ayant suivi le chemin de la première, Jean Boisdon tout ébloui par leurs scintillations eut un moment d’extase. Mais il se remit cependant bientôt, ouvrit la porte d’entrée, et, après avoir fait signe au sauvage de se tenir au dehors, il