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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

Boston pour le Canada, il savait assez de français pour émerveiller le lieutenant Harthing qui ne croyait pas qu’une tête de sauvage pût contenir autant d’intelligence.

Enfin, pour prévenir les soupçons de ses chefs au sujet de la présence de Dent-de-Loup sur la flotte, Harthing les prévint que cet homme lui était dévoué, corps et âme, et qu’il se proposait de l’envoyer en espion pour explorer la place qu’on allait attaquer.

Comme les qualités précieuses des peaux-rouges à cet égard étaient bien connues en Amérique, la présence du Chat-Rusé fut non-seulement tolérée, mais encore agréée par les chefs de l’expédition.

Nous n’entrerons maintenant dans aucun détail sur la marche de la flotte depuis Boston, qu’elle laissa au commencement de l’automne, jusqu’à l’île d’Orléans où nous la savons mouillée le quatorzième jour d’octobre. Il nous suffira de dire que, sans les vents contraires qu’il lui fallut essuyer presque continuellement, elle eût paru huit jours plus tôt devant Québec, et qu’alors c’en eût été sans doute fait de la ville, vu qu’on ne s’y attendait nullement à cette attaque et que toutes les troupes étaient encore à Montréal.

À présent que nos lecteurs connaissent les antécédents de Dent-de-Loup, reprenons le récit au point où nous l’avons laissé vers le commencement du troisième chapitre, c’est-à-dire au moment, où le chef agnier venait de quitter la flotte anglaise.

Poussée par un bras vigoureux, la pirogue du sauvage glissait, en dansant sur les vagues, avec la rapidité de la flèche. Pour assourdir le bruit que fait l’aviron en plongeant dans l’eau, l’Agnier avait eu soin d’envelopper le sien d’une étoffe légère.