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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

l’église à la porte de laquelle on les avait laissée momentanément sous bonne garde. Et, ce fut alors que les regards de Dent-de-Loup s’arrêtèrent sur la singulière enseigne de la première auberge canadienne. Il l’avait si bien remarquée qu’il assura pouvoir retrouver le cabaret, même par la nuit la plus noire.

Harthing rayonnait.

Avec l’aide de Dent-de-Loup et de Boisdon, rien ne lui était plus facile en effet que de savoir où les d’Orsy demeuraient.

L’avarice de Boisdon lui était connue comme une mine d’exploitation très-praticable ; restait à s’attirer l’amitié du chef agnier. Mais il fit si bien ressortir aux yeux de Dent-de-Loup l’avantage que celui-ci trouverait à s’allier avec lui pour conduire leurs projets respectifs à bonne fin, que l’Iroquois lui dit :

— C’est bon ! Dent-de Loup marchera dans le même sentier de guerre que son frère blanc.

Le sauvage n’avait aucune connaissance de la langue française qui lui devait être cependant d’une si grande utilité pour s’aboucher avec l’aubergiste canadien. Ce à quoi l’esprit méchamment inventif du lieutenant remédia de son mieux, en persuadant à Dent-de-Loup de se fourrer dans la tête assez de mots et de phrases françaises pour se faire comprendre de Jean Boisdon. À cet effet Harthing se fit le maître de langue du sauvage ; car il avait lui-même, dans la prévision d’aller un jour en Canada, pris des leçons de français d’un pauvre huguenot parisien qui végétait à Boston, outre celles que lui avait données Louis d’Orsy, comme nous le verrons par la suite.

L’Iroquois, dont l’idée fixe de vengeance éperonnait toutes les facultés, se montra si bon élève que deux mois plus tard, lorsque la flotte anglaise fit voile de