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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

vu seulement une fois. Jamais plus beau tatouage n’orna le visage d’un chef à l’entrée du sentier de la guerre.[1]

Dent-de-Loup avait gardé si bonne souvenance de la tache de vin de Boisdon, il dépeignit si bien l’aubergiste, qu’il ne fut pas difficile à Harthing de se faire une assez juste idée du physique de l’hôtelier.

— Sais-tu où il demeure ? demanda Harthing au sauvage.

Celui-ci secoua négativement la tête.

— Alors, attends-moi quelques minutes, reprit l’officier qui sortit à la hâte.

Harthing alla trouver un sien ami qui, après avoir passé plusieurs mois en captivité à Québec, venait d’être rendu à la liberté. Ce dernier qui avait été laissé libre de circuler dans la capitale du Canada s’écria soudain, aussitôt que Harthing lui eut fait le portrait du cabaretier :

— La tache de vin ! Mais ce n’est autre que Jean Boisdon, l’hôtelier le plus à la vogue de Québec, et chez qui, le jour de mon départ, j’ai bu, avec quelques officiers français, un carafon d’eau-de-vie si veloutée. Ces derniers, en gens bien appris, ont voulu me féliciter de ma délivrance, et le guildive de l’aubergiste Boisdon a cimenté cette fraternité d’armes partielle entre anglais et français.

Il ajouta qu’il avait même remarqué l’enseigne que le vent faisait crier sur ses gonds au dessus de la porte d’entrée du cabaret. C’était un barillet badigeonné

  1. Pour se donner une apparence plus sinistre, les sauvages, outre leur tatouage traditionnel, se peignait mille figures bizarres tant sur le corps que sur le visage, quand ils allaient à la guerre.