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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

tant qu’un aveugle destin lui tendit la main et le soutint au-dessus de sa sphère ; mais une fois livré à ses seules ressources, William Phips, incapable de se maintenir par lui-même à la hauteur de cette position de chanceux parvenu, perdit l’équilibre, et, se cassa les reins dans sa lourde chute.

On nous trouvera peut-être un peu sévère dans notre jugement sur un malheureux vaincu ; mais l’histoire de sa vie qui montre combien il était superstitieux, ignorant et borné, puis, en particulier, les fautes qu’il commit dans son expédition contre le Canada sont là pour corroborer notre opinion sur cet homme.[1]

On a pu voir dans le chapitre précédent le résultat immédiat de la rencontre fortuite de Dent-de-Loup et du lieutenant Harthing. Bien qu’il eût pu se figurer tout d’abord le grand avantage qu’il retirerait d’un homme aussi résolu que le paraissait Dent-de-Loup, quelle ne dut pas être sa joie lorsque ce dernier lui raconta les aventures de sa captivité et de sa fuite de Québec.

Après avoir réfléchi quelques instants, Harthing demanda à Dent-de-Loup s’il reconnaîtrait l’homme dont la convoitise avait contribué si puissamment à sa délivrance.

À cette question, l’indien, malgré son flegme habituel, ne put s’empêcher de sourire et dit :

— Il faudrait que le Chat-Rusé eût des yeux de taupes pour n’avoir pas remarqué l’homme à la joue de feu. On reconnaîtrait ce blanc à face rouge au milieu des guerriers de dix mille tribus, après l’avoir

  1. Voyez à ce sujet, MM. Garneau et Ferland.