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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

folie, le gouverneur capitula à des conditions honorables.

Mais l’éducation première de Sir William Phips ne l’avait pas fait plus fort en théorie qu’en pratique sur la courtoisie et le droit des gens ; aussi ne se gêna-t-il nullement de manquer aux termes de la reddition, quand il eut vu dans quel état de délabrement était la ville, et quel petit nombre de défenseurs elle contenait. Il livra les habitations au pillage, et, après avoir fait prêter serment de fidélité aux colons, il partit, emmenant prisonnier M. de Manneval, malgré les belles promesses qu’il lui avait faites.

Ensuite, il passa par Chedabouctou et l’île Percée, où il ne laissa derrière lui que des ruines.

Après ces hauts faits, le glorieux amiral retourna vers ses concitoyens, chargé de faciles dépouilles qu’il devait plutôt à une indigne violence et à un heureux hasard, qu’à une réelle habileté.

Sir William était cependant rendu à l’apogée de sa grandeur lorsqu’il fit voile pour le fleuve Saint-Laurent, dans l’automne de l’année de grâce mil six cent quatre-vingt dix. Nous verrons par la suite comment son étoile pâlissant d’abord en face du Cap-aux-Diamants, le put voir se heurter plus tard contre les rochers de l’île d’Anticosti, puis des Antilles, et s’abîmer dans ce même océan d’où elle l’avait vu sortir si radieux et souriant à l’avenir.

C’est que William Phips n’était en résumé qu’un de ces hardis et heureux aventuriers que la Providence prenant par les cheveux, agite un moment au dessus des masses afin d’attirer sur eux l’attention de la foule et de faire surgir aussi, par ce moyen, de nouvelles ambitions. Doué d’une intelligence assez bornée, d’un jugement des plus médiocres, il s’éleva